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« Dès que j’ai mis les pieds au Centre, je me suis senti en sécurité. J’ai rencontré plusieurs femmes victimes de violence et j’ai découvert que je ne suis pas la seule à vivre le calvaire. » Nous raconte Drissia qui a vécu plus de la moitié de sa vie sous l’emprise de la violence et de la peur.

Âgée aujourd’hui de 55 ans, Drissia n’est jamais allée à l’école. Pour nourrir ses quatre enfants, elle comptait sur son mari qui ne voulait pas assumer cette responsabilité avec elle. « Il nous laissait sans le sou et on avait tout le temps faim » déplore-t-elle. Quand elle réussissait à avoir des revenus, elle devait en lui donner pour ne pas être battu. « Il y avait toujours une raison pour un coup sur la tête. J’ai même une fois essayé de me suicider. J’ai été dégoutée ». Exposés à cette violence dans leur quotidien, les enfants n’avaient pas les résultats attendus à l’école. « L’échec scolaire des enfants me faisait souffrir surtout ma fille qui rêvait d’avoir son bac et qui le ratait à chaque fois. ». Drissia se sentait seule et s’enfonçait dans la spirale de la violence. « C’était un vrai cauchemar. Tout le monde savait que j’ai été battue mais personne ne voulait intervenir » ajoute-t-elle.

Et puis, un jour on lui parle du Centre Batha, qu’elle a rejoint la peur au ventre. Après son passage au niveau de la cellule d’écoute et des rencontres avec le psychologue et les conseillers juridiques, Drissia se libère de ses peurs et entame une toute nouvelle étape de sa vie. « Je suis désormais plus forte et c’est grâce à l’appui du centre » a-t-elle déclaré.

 « 68% des femmes qui viennent au centre Batha ont un sentiment de culpabilité. Les victimes peuvent aussi résister à la violence à cause des enfants.», souligne Amine Baha, Directeur du Centre Batha. 

Pour lui, pour que la femme victime puise réussir son intégration sociale, il faut supprimer tous les obstacles qu’elle peut rencontrer seule sachant qu’avant d’arriver à cette étape ultime, il y a un travail sur l’estime de soi pour sortir de la spirale de la violence. 

UNFPA appuie l’association Initiatives pour la Protection des Droits des Femmes (IPDF) pour renforcer la prise en charge des survivantes à la violence basée sur le genre, notamment à travers le Centre multifonctionnel « Batha » pour l’autonomisation des femmes, que l’association gère depuis 2009.

Le processus de modélisation du Centre Batha de Fès a ainsi été accompagné pour répondre aux normes minimales du paquet des services essentiels et à l’amélioration de la qualité des services offerts aux survivantes à la violence.

Ce processus est aujourd’hui appuyé dans le cadre du projet de « Promotion des Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive des femmes et des filles et de l’Égalité des genres au Maroc » mis en œuvre avec le soutien de Affaires Mondiales du Canada.

La particularité du modèle construit sur l’expérience du Centre Batha depuis près de deux décennies concerne l’approche innovante et dynamique qui consiste à traiter la violence basée sur le genre de façon holistique et met les femmes victimes/survivantes à la violence au centre de l'intervention. Chaque année près de 1000 femmes usagères sont accompagnées pour construire leurs projets de vie et devenir les actrices de leur propre changement.

Drissia est ainsi devenue une habituée du centre. Elle revient à la rencontre d’autres survivantes à la violence pour les rassurer et les aider à ne plus avoir peur pour sortir de cette spirale infernale. Elle leur raconte son histoire et leur explique comment elle a retrouvé la paix et que ses enfants arrivent enfin à manger à leur faim et à dormir paisiblement. Elle parle aussi fièrement de sa fille qui a enfin pu décrocher son bac et qui aspire désormais à un meilleur avenir. 

 

Des femmes pour inspirer l’action sur le terrain

 

Cet impact sur le terrain, l’association IPDF le doit à ces femmes militantes qui l’ont fondée en 1998 ainsi qu’à toutes les forces vives qui l’ont rejoint et soutenu à travers son histoire qui a transformé la vie de dizaines de milliers de femmes, à travers l’accueil, l’écoute, l’appui psychologique, l’accompagnement juridique, l’appui à l’éducation, la qualification professionnelle et l'hébergement.

L’appui de UNFPA ne s’est pas restreint à la capitalisation sur l’expérience du centre Batha, mais il s’est aussi axé sur la prévention de la violence basée sur le genre par des actions de sensibilisation et de plaidoyer pour les droits des femmes. Le travail conjoint s’est aussi consacré à promouvoir la culture de l’égalité et à accompagner les réformes législatives adoptées en la matière.

 

Ces histoires humaines et témoignages sont extraites de la revue “Empreintes féminines : des femmes marocaines nées pour être battantes” éditée sur l'impact du projet de « Promotion des Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive des femmes et des filles et de l’Égalité des genres au Maroc » mis en œuvre avec le soutien du Ministère des Affaires Mondiales du Canada.