La violence hante toujours les femmes sous toutes ses formes et dans tous les contextes. Et c’est souvent au niveau des urgences et des Unités de prise en charge des victimes de violence qu’elle se décline en visages.
« Chaque jour, a son lot de victimes de violences physique et sexuelle », indique Rachid Tahri, assistant social à l’Unité de prise en charge des victimes de violences à l’hôpital Mohamed V de Tanger. Le soutien médico-socio-psychologique fait partie de son quotidien depuis plus de cinq ans avec les maîtres mots : rassurer, écouter et orienter les victimes vers une prise en charge multidisciplinaire pour les soins nécessaires.
Pour lui, la période du COVID-19 a été la plus marquante avec la recrudescence de la violence notamment domestique et l’incapacité des femmes et filles victimes de dénoncer leurs agresseurs vu le contexte du confinement.
« Des cas sévères arrivaient à accéder à notre unité à travers les urgences alors que d’autres contactaient directement les assistants sociaux au téléphone ou envoyaient des déclarations via l’application numérique. Ce qui a permis de maintenir la prise en charge des victimes de violence », explique-t-il.
Il précise que les solutions digitales adoptées dans le contexte de COVID et aussi post-COVID tels que les applications numériques, les flottes téléphoniques et les kits médico-légales, mis en place avec l’appui de l’UNFPA, ont changé la donne.
Du même avis, Chaimaa Assistante Sociale à l’Hôpital Mohammed V de Tanger souligne, que l’application numérique encourage les victimes à dénoncer leurs agresseurs. « La peur empêche souvent les victimes de venir aux Unités de prise en charge », explique-t-elle. Et ajoute que les formations organisées dans le cadre du Projet ACCESS, mis en œuvre avec l’appui de l’UNFPA et le soutien du Ministère des Affaires Etrangères du Danemark permettent de mieux outiller les professionnels de la santé pour améliorer l’approche par rapport à la victime.
Prise de conscience et résilience
Saloua, assistante sociale au niveau de l’hôpital de Ksar Lakbir, aborde de son côté la dimension particulière que prend sa mission avec la transition vers des services à distance notamment pendant la pandémie du COVID-19. « Les défis liés à l'isolement social ont accentué l'importance de rester connecté avec les victimes de violence de manière virtuelle via l’application Stop violence.ma. Ce qui m'a le plus marqué, c'est la résilience des personnes dans des circonstances difficiles », se rappelle-t-elle. Et précise que la dynamique au sein des Unités intégrées de prise en charge des victimes de violence reste la même après le passage de la pandémie. « Une attention particulière est portée à la création de réseaux de soutien virtuel afin de maintenir le contact avec les victimes et de les accompagner », ajoute-t-elle. Saloua confie aussi que les formations et les forums annuels organisés avec le soutien de l'UNFPA, ont renforcé sa compréhension des protocoles d'intervention et du soutien psychologique aux victimes le temps de trouver une issue à leurs souffrances.
Travailler sur le triangle victime, agresseur et contexte
Pour Dr Berraho Asad, médecin-chef des urgences à l’hôpital de proximité Beni Mekada à Tanger, les formations qu’il tient à suivre sur la prise en charge de la violence à l’égard des femmes et des enfants lui permettent de découvrir les meilleures approches à suivre. « J’exerce depuis plus de 20 ans et j’ai vu des centaines de femmes et enfants traumatisés et anéanti notamment à cause des agressions sexuelles. En ces moments, l'approche est cruciale », précise-t-il.
Numérique et formation pour améliorer la prise en charge
La violence à l’égard des enfants et des femmes est un problème de santé publique avec des conséquences dévastatrices indique Dr Khaddouj Zaki, Point Focal régional responsable du Programme national de la santé pour la prise en charge des femmes et enfants victimes de violence. « En réponse à la hausse alarmante de cette violence, le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale a mis en place des Unités intégrées de prise en charge au niveau des hôpitaux et un circuit hospitalier préférentiel pour une prise en charge globale multidisciplinaire et gratuite », explique-t-elle. Pour assurer la continuité de la prise en charge des victimes en période du COVID-19, le Ministère a mis en place avec l’appui de l’UNFPA, une plate-forme pour la dénonciation des violences et a outillé les assistants sociaux de moyens de communications tels que les téléphones et les tablettes, pour être davantage à l’écoute des victimes à distance, les orienter pour une prise en charge médico-légale et psycho-sociale dans les plus brefs délais. Pour Dr Zaki, ces solutions numériques font désormais partie du quotidien des assistants sociaux afin de proposer des services de qualité au profit des victimes de violences. « Avec l’appui de l’UNFPA et des Affaires Étrangères du Danemark, le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale organise une série de formations sur la santé psychologique des victimes et comment les appréhender en cas de stress post-traumatique, dépressions, anxiétés, de comportements suicidaires, etc. », note-t-elle. Et précise que c’est un appui indéniable pour assurer aux femmes et filles survivantes à la violence un meilleur service de prise en charge leur permettant de mieux envisager leur avenir.
Ces histoires humaines et témoignages sont extraits du premier numéro de la revue “Résilience : continuité des services essentiels et autonomisation des femmes et des filles en situation de vulnérabilité” parue sur l'impact du Projet ACCESS mis en œuvre au Maroc avec l'appui de l'UNFPA et le soutien du Ministère des Affaires Etrangères du Danemark.