« J’ai enfin retrouvé ma boussole ». C’est avec ces mots pleins de sens que Nour El Houda décrit l’impact de l’action appuyée dans le cadre du Projet ACCESS pour autonomiser et renforcer les capacités des adolescentes et jeunes filles en milieu rural pour qu'elles deviennent plus résilientes.
Originaire de Douar Larbi Ben Bouzid dans la région de Marrakech, cette adolescente de 14 ans, parcourt une dizaine de kilomètres chaque dimanche pour rejoindre Douar Laadem, l’un des sites du Projet ACCESS, où elle fait ses premiers pas vers un meilleur avenir. « Ma mère m’encourage à poursuivre mes études et à développer ma personnalité pour ne pas refaire le même schéma que beaucoup de filles de mon douar ont reproduit en se mariant et en devenant mères très jeunes », confie Nour El Houda. Pour elle, les ateliers sur les softs skills et les activités de sensibilisation sur des sujets profonds lui ont permis de connaître son potentiel et d'avoir confiance en ses capacités.
Cette action de terrain inscrite dans le cadre du Projet ACCESS, est mise en œuvre par le Project Soar avec l’appui de l’UNFPA et le soutien financier du Ministère des Affaires Étrangères du Danemark. Elle met l’accent sur la sensibilisation de ces filles à la santé sexuelle et reproductive et s’active contre la violence basée sur le genre. L’initiative opère à travers divers ateliers de renforcement des capacités rythmant les dimanches de jeunes filles à Douar Laadem. En toile de fond demeure l’importance pour les filles de connaitre leur valeur, leur voix, leur corps, leurs droits et leur chemin visant leur autonomisation et leur capacité en matière de leadership.
« Quand un jour la facilitatrice a abordé la connaissance du corps, la menstruation, les changements psychologiques et corporelles chez les adolescentes, j’ai pris conscience combien nous sommes livrées à nous même lors de la puberté », explique Nour El Houda.
Au-delà du conservatisme de certaines communautés, la méconnaissance du corps, des droits, les non-dits et la peur sont derrière beaucoup de problèmes qui touchent les filles.
« C’est comme un accident de route. On peut s’en sortir ou sombrer comme une camarade âgée de 14 ans, violée par le fils des voisins. Elle a eu peur d’en parler et quand elle est tombée enceinte, elle a été contrainte de quitter l’école. Son violeur a été emprisonné mais sa vie à elle, avec un bébé, est brisée », confie Nour El Houda. Elle veut à travers le mouvement « Grandir », avoir de l’impact et porter la cause du mariage d’enfants le plus loin possible.
Khadija Chouaye porte quant à elle la cause de la lutte contre la discrimination à l’encontre des filles. Victime de harcèlement, cette collégienne de 14 ans ne se laisse plus faire. « Je ne pouvais pas parler de peur des représailles. Je me sentais sans aucune valeur. Aujourd’hui, je connais ma valeur », raconte-t-elle. Le mot valeur, Khadija le répète à chaque fois comme un leitmotiv. C’est la clé de sa libération de la violence verbale et du harcèlement. Elle a retrouvé sa voix pour défendre ses droits et la voie pour réaliser son rêve de devenir cheffe cuisinière.
Facilitatrices, modèles de résilience
Derrière ces histoires de réussite, il y a les moyens mis à la disposition des filles mais aussi l’engagement des facilitatrices. « Elles sont des modèles de leadership et de résilience », souligne Nour-El Houda.
Ces facilitatrices, pour la plupart des anciennes bénéficiaires du Project Soar, connaissent mieux que quiconque le contexte dans lequel évoluent les filles. Parmi elles, Dounia qui a intégré l’initiative à 17 ans. « J’ai été prisonnière des problèmes familiaux mais je me suis libérée en réussissant mes études et en retrouvant ma vocation », raconte-t-elle. Âgée de 24 ans aujourd’hui, Dounia transpose cette expérience en tant que facilitatrice à Douar Laadem ainsi que dans sa vie professionnelle en tant qu’infirmière. Son passage de bénéficiaire à facilitatrice lui permet de mieux comprendre les forces et les fragilités des personnes et de mieux les appréhender.
« Les formations sont importantes pour améliorer mon approche et échanger avec d’autres facilitatrices. Chacune a une histoire et un défi », indique Dounia. Pour elle, la bataille demeure la lutte contre le mariage d’enfants.
Soukaina Zaihour, étudiante en 2ème année de biologie à la faculté à Marrakech se convertit, elle aussi, chaque dimanche en facilitatrice pour accompagner les filles, les aider à assimiler les modules de formation, à se reconstruire et à mieux se comprendre et comprendre leur entourage pour pouvoir bien s’y orienter.
« Beaucoup de choses ont changé en moi. J’ai évolué et je sais aujourd’hui ce que je veux faire et comment bien prendre en main ma vie. Et c’est ce que je transmets aux filles », confie-t-elle. Au cœur de sa mission, il y a beaucoup de sensibilisation par rapport au décrochage scolaire, le mariage d'enfants, les viols, les grossesses précoces et les violences physiques, sexuelles ou psychologiques.
Quand les chemins de Soar et ACCESS se croisent
« Nous travaillons avec les filles dans le cadre du Projet ACCESS sur différents sujets permettant à chacune de rester à l’école, réussir et travailler pour sortir de la pauvreté », explique Maryam Montague, fondatrice et directrice exécutive de Project Soar. Elle précise que le partenariat stratégique avec l’UNFPA et l’appui du Ministère des Affaires Étrangères du Danemark permet d’élargir davantage la « solution Soar » déclinée dans un kit de formation en 25 ateliers qui permettent aux adolescentes de devenir leaders dans leur vie, à l’école et pour leur futur. Dans ce cadre s’inscrit une série de sessions de renforcement des capacités des facilitatrices leur permettant de bien assimiler le contenu du kit, de développer une expertise adaptée aux besoins de leurs communautés et de mieux soutenir les adolescentes. « Les filles comme leurs communautés sont fragiles en cette période post COVID et post séisme qui a touché Marrakech et la région d’El Haouz où on se trouve. De ce fait, c’est important d’élargir notre champ d’action pour renforcer leurs capacités et résilience. Il y a des filles brillantes et elles peuvent aller le plus loin possible dans les études et soutenir leurs communautés et pays avec l’innovation et le progrès ». Pour Maryam un coup de pouce peut changer des trajectoires de vie vers un avenir radieux et meilleur.
Ces histoires humaines et témoignages sont extraits du premier numéro de la revue “Résilience : continuité des services essentiels et autonomisation des femmes et des filles en siatuation de vulnérabilité” parue sur l'impact du Projet ACCESS mis en œuvre au Maroc avec l'appui de l'UNFPA et le soutien du Ministère des Affaires Etrangères du Danemark.