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Précarité menstruelle et mariage d’enfants : des synergies de la société civile brisent la chaîne de l'exclusion

Précarité menstruelle et mariage d’enfants : des synergies de la société civile brisent la chaîne de l'exclusion

Histoire

Précarité menstruelle et mariage d’enfants : des synergies de la société civile brisent la chaîne de l'exclusion

calendar_today 28 Mai 2025

Trois filles assises examinent une boite avec des produits de l'hygiène menstruelle
Les kits mis à la disposition des filles contribuent à atténuer la précarité menstruelle

“ Bien que les mentalités ont évolué, les conséquences désastreuses de la gestion de l’hygiène menstruelle sur la scolarisation des filles sont encore trop souvent sous-estimées, ” explique Karima Ghanem, présidente du Centre International de Diplomatie (ICD).

Pourtant, chaque mois, nombreuses sont les filles qui se retrouvent contraintes de manquer l’école, faute de protections hygiéniques ou d’infrastructures adaptées. Cette réalité, ignorée ou minimisée, perpétue les inégalités et compromet l’avenir de ces jeunes filles.

“ L’impact est important sur l’avenir des jeunes filles et leur place dans la société. L’abandon de l’école peut aussi les exposer au mariage d’enfants, ” ajoute Karima.

Ghizlane en sait quelque chose. Mariée à 16 ans, elle a eu son premier enfant une année plus tard. Quand elle a divorcé, elle avait déjà trois filles à sa charge. 

“ La reconstruction n’a pas été facile, ” déplore-t-elle.

Aujourd’hui facilitatrice à Project Soar, elle a collaboré dans le cadre du Projet ACCESS, mis en œuvre avec l’appui de l’UNFPA et le soutien du Ministère des Affaires Étrangères du Danemark, pour la conduite d’une campagne de sensibilisation sur le mariage d’enfants qui reste l’un des défis les plus persistants.

“ Nous avons constaté que beaucoup de jeunes ignorent les conséquences désastreuses du mariage d’enfants, ” confie Kaotar qui a participé à la campagne qui a fini par toucher 17 établissements scolaires et Dar Taliba dans la région d’Al Haouz.

Yasmine, une lycéenne de 16 ans qui a pris part aux actions de cette campagne, reconnaît qu’elle a été choquée par les chiffres sur le mariage d’enfants dans sa région natale. 

“ Je savais que le phénomène est courant surtout dans le monde rural, mais je ne m’attendais pas à apprendre que la région d’Al Haouz soit aussi lourdement touchée, ” indique-t-elle.

En plus des filles, la campagne a également touché des jeunes garçons pour élargir la portée de la sensibilisation.

“ J’ai apprécié que les garçons soient invités aussi parce que la question nous concerne tous, ” dit Rayane, un jeune participant de 16 ans qui s’est engagé à rejoindre le plaidoyer. 

Le soutien des familles a également été noté lors de la conduite des actions de la campagne.

“ Mon père m’a soutenu dans cette action contre un phénomène qui détruit des vies, ” se réjouit Yasmine. 

Briser le silence sur l’hygiène menstruelle

Hormis l’activation digitale, ces jeunes lycéens ont également pris part à des sessions de sensibilisation sur la gestion de l’hygiène menstruelle et la santé sexuelle et reproductive, conduites par ICD dans le cadre du Projet ACCESS. 

Lors de ces sessions, l’art et la culture ont été utilisés comme moyens pédagogiques pour sensibiliser sur la santé menstruelle et son impact sur les droits, la violence basée sur le genre et le mariage d’enfants.

“ J’étais au début un peu gêné. J’ai toujours pensé que la menstruation est une affaire de filles, ” raconte Souhail.

“ Aujourd’hui, je comprends mieux les difficultés rencontrées par les filles lors du cycle menstruel et l’impact du manque d’infrastructures spécifiques et des produits d’hygiène,” ajoute-t-il. 

“ L’approche adoptée nous a fait comprendre l'importance de parler sans honte des sujets liés à notre santé. Nous avons mieux compris le cycle menstruel et l'hygiène personnelle à travers les images et les caricatures, ” Complète Insaf. 

Cette synergie entre les partenaires de la société civile du Projet ACCESS a été amplifiée avec une grande mobilisation dans le chantier des réformes législatives, à travers des rencontres d’échange et de partage de l’information et des bonnes pratiques, des sessions de sensibilisation et des actions conjointes de plaidoyer. La collaboration avec les institutions, notamment le Ministère de l’Éducation, et l’implication des jeunes générations a également permis de mettre en lumière l’importance de la voix des jeunes filles pour garantir leur protection et assurer leur autonomisation. 

Anas Saadoun, Docteur en Droit et Membre du Club des Juges Marocains, ajoute que la mobilisation de la société civile contre le mariage d’enfants et l’intérêt grandissant du gouvernement par rapport à la question à travers de nombreuses activités de sensibilisation ciblant principalement les juges, les avocats, les professionnels du système judiciaire et la société civile, en plus des jeunes filles elles-mêmes, ont été derrière une baisse significative du nombre de demandes présentées aux tribunaux concernant le mariage des filles, et une baisse du nombre d'autorisations accordées par les tribunaux, avec des décisions de rejet de la demande atteignant près de la moitié. 

Lutter contre la précarité menstruelle

Parallèlement aux actions de sensibilisation et de plaidoyer, le Projet ACCESS a aussi engagé des actions de terrain pour contribuer à atténuer la précarité menstruelle. Un distributeur comprenant des kits pour l’hygiène menstruelle a ainsi été installé à Dar Taliba de Taounate. 

“ L’installation de ce distributeur a réellement changé notre quotidien. Je ne suis plus en détresse quand j’ai mes règles. Cela me permet aussi d’économiser un peu d’argent pour couvrir les frais de transports le week-end en rentrant chez moi, ” indique Ayan, une jeune élève de 15 ans. 

“ La directrice nous a expliqué comment s’en servir en cas de besoin, ” ajoute sa camarade Malak, 14 ans.
Bouchra, la directrice de Dar Taliba, indique que cette initiative permet de soutenir les filles les plus vulnérables, vivant loin de leurs familles. Elle précise que les filles sont souvent stressées en classe pendant leur période de menstruation et peuvent manquer leurs cours par manque de produits hygiéniques. 

“ Ces kits offerts gratuitement leur permettent d’être à l’aise en classe et contribuent à améliorer leur santé et le bien-être,” se réjouit Bouchra.

Elle ajoute que cette initiative a été l’occasion de libérer la parole sur la menstruation en encourageant les filles à s’exprimer sans honte. 
Ces actions représentent un levier pour l’émancipation des jeunes filles vers un monde où l'autonomie et la dignité leur sont assurées.

Cette histoire, publiée à l'occasion de la journée mondiale de l'hygiène menstruelle, est extraite du second numéro de la revue “Résilience : continuité des services essentiels et autonomisation des femmes et des filles ” parue sur l'impact du Projet ACCESS mis en œuvre au Maroc avec l'appui de l'UNFPA et le soutien du Ministère des Affaires Etrangères du Danemark.