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Fiancée à 13 ans et mariée une année plus tard à un homme de 20 ans son aîné, Amal* a abandonné l’école alors qu’elle était une élève brillante. Aujourd’hui, 24 ans après son mariage, elle nous raconte son histoire.

Je croyais que j’allais être capable de continuer mes études juste après le mariage. Ce n’était pas possible !

Cependant, une année plutôt, 179 pays, dont le Maroc, venaient d’adopter le plan d’action de la Conférence Internationale pour la Population et le Développement. Ce plan visait entre-autre à assurer aux filles et aux femmes l’accès le plus large à l’enseignement au-delà du secondaire et supprimer les pratiques dangereuses, y compris le mariage d’enfants, en vue de leur permettre de jouir de leurs droits reproductifs et contribuer efficacement à la croissance économique et au développement durable, et d’en bénéficier effectivement.

Adolescente, mon entourage me trouvait déjà mature. J’avais des intérêts bien différents des autres filles de mon âge.

Amal se rappelle aujourd’hui, que même le juge avait donné l’autorisation de son mariage en se basant sur son apparence physique.

Au Maroc, le code de la famille (Moudawana), adopté en 2004, fixe l’âge au mariage à dix-huit années révolues. L’article 20 de la Moudawana permet cependant au juge de la famille d’autoriser le mariage avant l’âge de la capacité matrimoniale.

Par conséquent, chaque année, des dizaines de milliers de filles deviennent des enfants épouses au Maroc. Les données les plus récentes du ministère de la Justice ont enregistrés 41.669 demandes de mariage de mineurs (dont 99,0% sont des filles) déposées au titre de l’année 2015. 85,1% de ces demandes ont été acceptées.

Pis encore, les données de l’Enquête Nationale sur la Population et la Santé Familiale au titre de l’année 2018 montrent que 2,7% de l’ensemble des femmes enquêtées ont été mariées avant l’âge de 15 ans.

Au Maroc, UNFPA appuie le réseau ANARUZ dans son plaidoyer pour la réforme du code de la famille. Le Fonds soutient également la société civile notamment l’association Initiative pour la Protection des Droits des Femmes (IPDF) et la Rabita Mohammadia des Oulémas pour sensibiliser les communautés locales aux conséquences néfastes du mariage des mineures.

Amal nous a confié que l’idée qu’elle avait sur le mariage était bien différente de son vécu.

Le mariage est une grande responsabilité et une décision qui doit avant tout être prise par choix.

Le mariage des mineures est une violation des droits de l'homme. Il l’est d’autant plus que beaucoup de ces filles sont souvent soumises à de fortes pressions pour avoir un enfant juste après le mariage, bien qu’elles soient elles-mêmes encore des enfants. 

En effet, à 15 ans, Amal était déjà tombée enceinte. Une dizaine d’années après son mariage, elle était devenue mère de trois enfants.

Au Maroc comme dans beaucoup d’autres pays, les enquêtes santé sont quasi-unanimes à indiquer que la prévalence contraceptive augmente au fur et à mesure que le niveau d’instruction s’élève.

Amal n’est pas un cas isolé. Au Maroc, le taux de fécondité des adolescentes âgées entre 15 et 19 ans avoisine 19,4 pour 1.000. Ce taux s’élève même à 32 pour 1.000 dans le milieu rural.

La grossesse précoce menace la vie et la santé de la jeune fille en l’exposant à l’avortement à risque et à la mortalité maternelle. En effet, les complications de la grossesse et de l’accouchement constituent la 2ème cause de décès des adolescentes de 15-19 ans à l’échelle mondiale, après le suicide.

Le mariage et la grossesse précoces limitent aussi le potentiel de la jeune fille. Ils perturbent son éducation et réduisent ses possibilités.

Amal a longtemps gardé l’envie de continuer ses études avant de pouvoir enfin prendre sa décision, dix ans après les avoir arrêtés.

 Mon mari m’a aussi encouragée et soutenue pour reprendre les études.

Trois ans plus tard, Amal a réussi à obtenir son Baccalauréat. Elle a également obtenu sa Licence et vient de soutenir sa thèse de Master en 2018.

Dans ce parcours extraordinaire, Amal a dû jongler entre études, travail domestique, soins, scolarité et activités de ses trois enfants.

Malgré toutes les difficultés, je me sens fière de ce que j’ai accompli. Les études ont beaucoup amélioré mon estime de soi.

Amal a aussi suivi, depuis deux ans, la formation de base et la formation des formateurs de l’éducation par les pairs, conduites par le réseau Y-PEER avec l’appui de UNFPA Maroc.

Le réseau Y-PEER est une initiative qui préconise l’épanouissement et la participation des jeunes afin de préparer un avenir solide et viable dans lequel ils pourront participer à la prise de décision et aborder librement une vie d’adulte productive.

Amal est actuellement à la recherche de travail. Elle est aussi très motivée par l’action sociale.

Je rêve de pouvoir exercer dans le domaine de la psychologie et agir dans le domaine de l’insertion sociale des migrants et des jeunes en difficultés par l’écoute, la sensibilisation, l’appui et le conseil.

Les études et l’éducation par les pairs ont transformé la vie de Amal. Elle est aujourd’hui convaincue qu’aucune fille ne devrait subir le mariage précoce.

Ma fille a 21 ans et je préfère qu’elle prenne le temps de continuer ses études supérieures avant de s’engager dans la lourde responsabilité du mariage.

 

* Nom changé pour confidentialité.